Arrêtons de coacher les femmes, accompagnons les collectifs !

Depuis l’évolution des lois en faveur de l’intégration des femmes dans les instances de direction (Loi Copé-Zimmerman de 2011) ou encore l’obligation de justifier de l’état de ses effectifs en publiant son index de l’égalité professionnelle*, nous avons assisté à l’explosion d’une offre de coaching à destination des femmes.

© FX. Roussignol – badoumba !

Des entreprises de tous genres promettant aux femmes de les aider à briguer des postes dans les comités de direction, à améliorer leur leadership, leur communication, ou encore leur gestion du temps (y compris celui lié à la charge domestique), se sont positionnées auprès des grands groupes directement ciblés par les nouvelles lois.

Si l’intention initiale de ces entreprises était de répondre à une demande urgente, l’essai n’a pas été confirmé sur le terrain des résultats. En effet, des années après l’introduction de ces textes réglementaires, nous ne comptons toujours aucune femme PDG et seulement trois femmes au poste de « Directeur Général » dans les entreprises du CAC 40**. Bien que positive, l’augmentation du nombre de jours alloués aux pères à la naissance des enfants n’a, en outre, pas permis aux femmes de revenir sereinement à leur poste après un congé maternité. Le rapport du HCE*** de 2024 sur l’état des lieux du sexisme en France rapporte une dégradation de la situation dans toutes les sphères de la société, y compris dans le milieu professionnel.

Simple pansement ou véritable remède ?

Une piste issue de la psychologie sociale peut nous aider à répondre à cette question, notamment la notion d’erreur d’attribution fondamentale. Elle consiste à accorder une importance disproportionnée aux caractéristiques internes d’une personne (caractère, intentions, émotions, connaissances, opinions) au détriment des facteurs externes et situationnels dans l’analyse de son comportement dans une situation donnée.

En effet, la démarche majoritairement observée aujourd’hui dans le domaine des luttes contre les inégalités de genre consiste à pointer du doigt ce qui manquerait aux femmes pour devenir des leaders comparables aux hommes. On attribue le manque d’égalité à différents facteurs, souvent subjectifs et centrés sur les émotions, tels que la peur de prendre des risques, d’oser s’exprimer en public, ou de s’affirmer. Mais qu’en est-il de leurs homologues masculins ? Quelles sont les formations à destination des comités de direction leur expliquant comment changer leur modèle managérial pour intégrer la différence ? Ou encore, les formations enseignant aux hommes comment dire non au présentéisme, ne pas couper la parole, se déconnecter en dehors des heures de travail pour s’occuper de leur bien-être et de leur vie familiale, ou encore repenser leur place dans l’entreprise ?

En changeant de perspective, on réalise plus aisément que le levier de la formation ou du coaching des femmes n’est pas suffisant (l’objectif de cet article n’est pas de critiquer le coaching en tant que processus de développement, mais d’en pointer les limites dans le cadre de l’inclusion des femmes en entreprise). Il s’agit de prendre en compte l’écosystème dans lequel elles évoluent pour évaluer la faisabilité d’un projet d’inclusion réaliste. Cela implique une approche systémique, permettant de mieux appréhender les liens entre les situations et les processus. Cette approche demande de prêter attention aux interactions entre les différents éléments et de prendre du recul pour comprendre le schéma global.

Envisager l’inclusion comme un sujet de culture d’entreprise

Lorsqu’on parle d’inclusion des femmes, nous avons tendance à oublier qu’il s’agit d’un changement culturel qui nécessite une mobilisation du plus haut niveau de l’entreprise. Cette transformation doit être portée et incarnée sincèrement par la direction. Nous parlons ici d’un changement profond visant à remettre en question les modèles en place, à créer de nouveaux récits, à repenser le prestige, et à valoriser de nouvelles compétences et qualités.

La mise en place d’une fonction dédiée à la diversité et à l’inclusion dans certains grands groupes a permis de rendre le sujet plus visible, mais les résultats ne sont pas encore au rendez-vous. Si le rôle de ces directions est de faire évoluer les mentalités, de sensibiliser et de prévenir les cas les plus graves de violence faite aux femmes en entreprise, on constate que ces fonctions sont très souvent occupées par des femmes, avec des équipes n’incarnant pas toujours la mixité.

L’inclusion des femmes et leur représentation dans les directions des entreprises ne sont pas des sujets qui concernent uniquement une population spécifique. Ils doivent être abordés collectivement en mobilisant l’ensemble des parties prenantes pour un projet commun dans lequel chacun prend sa part de responsabilité.


*Index Pénicaud, créé en 2018 par la loi sur l’avenir professionnel, il est obligatoire pour toute les entreprises de plus de 50 salariés

**Source : observatoire Skema de la féminisation des entreprises, édition 2024

***Haut Conseil à l’Egalité des femmes et des hommes