« Merci mais non merci, comment les femmes redessinent la réussite sociale », de Céline Alix

Le deuxième livre que l’on vous propose de découvrir dans le Book club de l’Alternative est un premier essai de l’autrice Céline Alix, Merci mais non merci, comment les femmes redessinent la réussite sociale, paru en 2021 aux éditions Payot & Rivages.

Après une carrière brillante d’avocate d’affaires en France et à l’international, Céline Alix décide de quitter la fonction pour créer un environnement de travail plus aligné avec ses valeurs. Le livre s’ouvre sur un récit d’échec, celui qu’elle pensait être le sien lorsqu’elle décide de rendre la robe en 2009 à l’âge de 36 ans, avant de se rendre compte qu’elle était loin d’être la seule dans cette situation. Elle entreprend une enquête pour aller à la rencontre de femmes aux carrières brillantes qui ont laissé tomber leurs postes à responsabilité pour créer des alternatives professionnelles, loin des entreprises traditionnelles dont les règles, « codées au masculin », faisaient d’elles des « invitées permanentes ». L’objectif de l’autrice était de comprendre à travers ses interviews ce qui avait poussé ces femmes à partir alors que tout semblait propice à la poursuite de leur ascension.

Le livre s’articule autour de deux parties, une première explorant les raisons qui ont poussé au départ les femmes interrogées et une seconde présentant les nouvelles perspectives imaginées par ces professionnelles en quête de nouveaux modèles. Le motif d’opting-out1 tel qu’il avait initialement été théorisé pour les femmes en invoquant la maternité ou l’incapacité de gérer à la fois la sphère professionnelle et familiale a très vite été écarté pour laisser place à d’autres réalités communément évoquées par toutes celles qui ont été rencontrées pour ce livre. En effet, elles dénoncent des cadres de travail d’un autre temps, dont les codes n’ont toujours pas évolué pour faire de la place aux femmes dans les plus hautes sphères, un manque d’efficacité dans l’action, trop souvent dilué dans les guerres d’égo et autres rites officieux ayant lieu tard le soir. 

L’autrice nous raconte comment ces femmes, qui ont voulu rendre hommage à leurs mères et aux femmes des générations précédentes qui se sont battues pour obtenir plus de droits, et notamment celui de travailler et de se bâtir des carrières comme les hommes, se sont essoufflées à force de se heurter à des codes paternalistes et discriminatoires. Pour expliquer ce phénomène, Céline Alix évoque par ailleurs, la thèse de la sociologue et philosophe Dominique Méda2 sur le « non-dit sociétal de la prise en charge de la sphère domestique » autrement dit, le fait que la société française n’ait pas adressé le sujet de l’arrivée des femmes au travail d’un point vue politique pour gérer les conséquences de cette évolution sociétale en pensant de nouveaux standards de travail pour les deux sexes : organisation du temps de travail, partage des tâches domestiques et familiales, etc. L’on se rend compte que le vrai problème est que ce sujet a été pris en charge uniquement par les femmes, sans l’intervention des entreprises pour s’occuper des phénomènes collatéraux.

Le vrai problème est que ce sujet a été pris en charge uniquement par les femmes, sans l’intervention des entreprises pour s’occuper des phénomènes collatéraux.

La seconde partie du livre relate l’exploration des nouvelles voies que ces femmes ont eu envie d’emprunter pour construire de nouveaux espaces de travail plus en phase avec leurs valeurs, envies et surtout avec la réalité d’une société qui évolue. Cela revient donc à casser les codes d’un monde régi par la hiérarchie, la domination, le management par la peur en faveur de la collaboration et d’une « approche sororale de la relation professionnelle ». Ce nouvel écosystème professionnel est donc celui dans lequel on s’entraide, on s’organise autour de réseaux pour se partager des opportunités et on prône l’efficacité en repensant les nouveaux espace-temps de travail. 

L’enquête et le récit de Céline Alix redonnent espoir à toutes les femmes qui ont pensé échouer en quittant des carrières au sommet après avoir été de parfaites petites écolières, puis des étudiantes brillantes et des professionnelles installées et reconnues, et qui ont fini par s’épuiser dans des organisations refusant d’évoluer et de leur faire un peu de place. 

Si le livre de Céline Alix réussit le pari de casser le mythe de l’opting-out des femmes pour des raisons purement essentialistes liées à la maternité et autres prérogatives familiales, il n’en demeure pas moins, qu’il reste une grande part des femmes qui doivent continuer à évoluer dans certains milieux hostiles car elles n’ont pas la chance d’avoir pu accéder à de hautes fonctions en entreprise leur offrant un réseau professionnel étoffé et des carnets d’adresses bien remplis pour se lancer sereinement à leur compte. 

Nous vous souhaitons une très bonne lecture !

  1. Opting out : dans le domaine du travail, ce concept fait référence à la décision de quitter ou de ne pas poursuivre une carrière professionnelle traditionnelle pour diverses raisons. ↩︎
  2. Dominique Méda, Le Temps des femmes, pour un nouveau partage des rôles, Paris, Flammarion, 2008 ↩︎