Malgré l’évolution du cadre légal, l’engagement des entreprises sur la question du sexisme à travers la signature de chartes, la mise en place de règlements intérieurs ou encore la nomination de référents sur les questions des agissements sexistes et de harcèlement sexuel, certaines entreprises n’arrivent toujours pas à se défaire d’une culture sexiste.

Nous sommes nombreuses et nombreux à vouloir se convaincre que les comportements sexistes et les blagues lourdes autour de la machine à café font partie d’un temps révolu. Pourtant, il arrive souvent qu’en tant que collaboratrice ou collaborateur on se sente mal à l’aise dans un environnement sans être capable de mettre des mots sur cette gêne. En effet, le sexisme ordinaire est insidieux, il a des effets néfastes sur la santé mentale de celles et ceux qui le subissent au quotidien[1]. Le dernier baromètre StOpe[2] sur le sexisme ordinaire au travail confirme encore la présence de ce phénomène en 2023, « 6 femmes sur 10 ont déjà entendu des propos dégradants s’appuyant sur une représentation stéréotypée de la féminité ».
L’objectif de cet article est de vous donner quelques pistes pour reconnaitre un environnement sexiste qui n’en a pas l’air et de vous fournir des clés pour y faire face. Voici les éléments à observer, écouter et ressentir dans votre milieu professionnel :
Le vocabulaire utilisé : certaines phrases reviennent souvent dans la bouche des collaboratrices et collaborateurs pour témoigner leur appartenance à une équipe, à une population donnée dans l’entreprise ou simplement à la majorité. A la base, il s’agit d’expressions fréquemment utilisées par les managers et attestant d’une culture spécifique. Voici quelques exemples de propos qui devraient vous alerter : « C’est pas pour les tapettes », « On va les défoncer sur cette affaire », « On est des guerriers, on se laisse pas faire », « Faut arrêter de faire les pleureuses ». Il est important de préciser que ces propos peuvent être à la fois tenus par les hommes comme par les femmes.
Les compliments bienveillants : ce sont en apparence des propos bienveillants mais dont l’effet est de dévaloriser de façon consciente ou non la personne visée. En voici quelques exemples : « On va la laisser s’occuper de l’esthétique de la présentation » , « Non, mais les femmes sont plus compétentes pour organiser les évènements d’équipes », « Tu peux reprendre le point, on doit la laisser partir récupérer ses enfants à 18h comme tous les jours », « C’est mieux que tu présentes au client avec ta voix grave et ta prestance, c’est plus rassurant ».
Les comportements et les attitudes : si les deux premiers éléments sont plus ou moins faciles à identifier, ce dernier nécessite une plus grande observation. En effet, il peut se manifester dans certains comportements comme le fait de couper la parole, de lever les yeux au ciel ou de souffler lorsqu’une collègue s’exprime.
Comment agir pour ne plus subir ?
- Connaitre les définitions et le cadre légal
Il est difficile de nommer une chose qui n’existe pas dans son référentiel, alors voici les définitions pour ne plus douter de vous :
Le sexisme ordinaire au travail[3] se définit comme l’ensemble des attitudes, propos et comportements fondés sur des stéréotypes de sexe, qui sont directement ou indirectement dirigés contre une personne ou un groupe de personnes en raison de leur sexe et qui, bien qu’en apparence anodins, ont pour objet (…) d’entraîner une altération de leur santé physique ou mentale.
Article L. 1142-2-1 du Code du travail : « Nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».
Les sanctions encourues par les auteurs des agissements sexistes sont des procédures disciplinaires de la part de l’employeur. Les victimes peuvent quant à elles saisir les juges des prud’hommes pour demander réparation des préjudices subis.
2. Introduire un nouveau langage et des idées progressistes
Les travaux du psychologue social français Serge Moscovici sur l’influence sociale offre une perspective intéressante sur la capacité de la « minorité influente » à changer les attitudes dominantes au sein d’un groupe. En effet, une grande partie de ses recherches l’a mené en premier lieu à la théorie du suivisme, autrement dit, à la propension des individus à être influencés par les opinions ou les comportements des autres membres d’un groupe mais ce paradigme ne permettait pas d’expliquer le changement ou la créativité dans les groupes. Il élabore ainsi une nouvelle théorie capable d’expliquer les faits nouveaux tels que le changement social ou l’innovation.
L’objectif poursuivi par cette introduction théorique est de vous encourager à oser changer les choses en créant de nouveaux possibles via le recours à un vocabulaire et des comportements respectueux de toutes et tous au sein de vos organisations.
3. Capituler pour préserver sa santé mentale et physique
Lorsque l’environnement devient trop difficile à supporter, que vous vous êtes épuisé à essayer de changer les choses de l’intérieur pour faire évoluer votre culture d’entreprise mais que la résistance est trop importante en face, il faut savoir renoncer pour préserver votre santé et mobiliser votre énergie pour des organisations qui vous permettront de retrouver la joie et le plaisir de contribuer à un projet collectif dans un cadre bienfaisant.
[1] Pour plus d’information, vous pouvez consulter « le kit pour agir contre le sexisme, trois outils pour le monde du travail » réalisé par le conseil de sécurité pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes
[2] Edition 2023 du baromètre stOpe sur le sexisme ordinaire
[3] Définition issue du livret sexisme ordinaire de l’initiative stOpe
