A partir des années 80, les premiers réseaux féminins ont émergé dans les entreprises américaines pour offrir aux femmes cadres des opportunités de développement et un accès aux postes à responsabilité. Rapidement, ces initiatives se sont répandues et sont devenues des symboles de l’engagement des entreprises en faveur de l’égalité professionnelle. Pourtant, malgré leurs efforts, ces réseaux peinent à combler les écarts persistants entre hommes et femmes dans le monde du travail. Pour certains, ils agissent même comme des solutions de façade[1], isolant la question de l’égalité au lieu de l’intégrer dans une stratégie organisationnelle globale, véritablement portée par les dirigeants.

Les atouts des réseaux féminins : premiers pas vers une prise de conscience collective
Les réseaux féminins ont sans aucun doute joué un rôle clé en mettant en lumière les obstacles auxquels les femmes font face en entreprise. En offrant des espaces de parole dédiés, ils ont rendu visibles des problématiques autrefois ignorées : rigidité des pratiques, culture du présentéisme, manque de flexibilité et plus concrètement les discriminations sexistes. En organisant des événements et des campagnes de sensibilisation, ces réseaux ont attiré l’attention des directions sur des sujets cruciaux, tels que les disparités salariales, le harcèlement et les comportements sexistes.
Ces communautés ont également créé des espaces de soutien entre collaboratrices, favorisant un sentiment de solidarité et d’appartenance. Ces liens ont été essentiels pour surmonter les barrières professionnelles et renforcer les carrières. De plus, l’essor de ces réseaux a contribué à influencer les politiques publiques, amenant certaines évolutions légales en matière d’égalité des genres.
Mais quelques décennies plus tard, l’action de ces réseaux a-t-elle réellement permis d’atteindre l’égalité professionnelle ?
Une limite importante : l’absence d’une approche systémique portée par les dirigeants
Malgré leurs bénéfices, les réseaux féminins montrent des limites structurelles qui les empêchent de provoquer un réel changement. En invitant les femmes à se regrouper entre elles, les directions d’entreprise ont souvent délégué le sujet sans véritablement s’y impliquer, ce qui a marginalisé les enjeux féminins au lieu de les intégrer dans les stratégies globales. L’égalité ne peut être une initiative isolée ; elle exige l’engagement actif des dirigeants, et notamment des hommes qui occupent des positions d’influence et jouent un rôle déterminant dans l’évolution des mentalités.
Abordant souvent les problématiques de manière cloisonnée, ces réseaux ne traitent pas les causes profondes des inégalités, qui se situent dans la culture d’entreprise elle-même. Sans un engagement stratégique des directions, ces initiatives ne font que répondre aux symptômes et n’agissent pas sur les racines des disparités.
En se concentrant principalement sur le développement personnel et l’entraide, ces réseaux ont une influence limitée sur les décisions stratégiques de l’entreprise – que ce soit sur les recrutements, les promotions ou la révision des politiques de rémunération. Pourtant, ce sont précisément ces leviers structurels, pilotés par les dirigeants, qui permettront d’évoluer vers une égalité durable.
L’urgence d’une approche systémique pour un impact réel
Si les réseaux féminins ont prouvé leur utilité, ils ne peuvent garantir à eux seuls l’égalité professionnelle. Pour un changement réel, les entreprises doivent adopter une approche systémique intégrant tous les aspects organisationnels : des processus de ressources humaines à la culture d’entreprise, en passant par la formation des dirigeants et la révision des politiques internes.
L’égalité professionnelle ne sera atteinte que lorsque ces initiatives seront intégrées dans une stratégie globale, inclusive et durable, portée de manière authentique par les dirigeantes et dirigeants.
[1] Voir notre articles le Book club sur le livre de Sandrine Holin, « Chères collaboratrices », La Découverte, 2023
