Écart de salaire : comment réagir en entreprise ?

Le 8 novembre 2024, le média Les Glorieuses a mis en lumière une statistique préoccupante de l’INSEE : l’écart de salaire entre les femmes et les hommes en France est encore de 13,9 %*. Bien que des progrès aient été réalisés, cet écart persiste et nécessite des actions concrètes pour le combler. Parmi les mesures proposées, certaines militent pour inscrire l’égalité salariale comme norme ISO, comme en Islande. Mais au quotidien, quels sont les outils et recours existants pour réduire ce fossé ? Faisons le point.

© Camille Gigleux

1. La transparence salariale comme levier d’action

L’égalité salariale est un droit en France, mais son application reste souvent entravée par le manque de transparence. Savoir ce que gagnent ses collègues effectuant des tâches similaires permet d’évaluer un potentiel écart et d’en demander la correction. Aujourd’hui, l’Union européenne, par le biais de la directive « Transparence » (UE2023/970 du 10 mai 2023), œuvre pour que les entreprises respectent ce droit en renforçant la transparence des rémunérations.

Cette directive, qui doit être transposée en droit français d’ici juin 2026, prévoit plusieurs avancées clés :

  • Transparence des offres d’emploi : Les employeurs devront indiquer la rémunération ou la fourchette salariale pour chaque poste offert, afin de garantir une négociation plus équitable.
  • Accès aux critères de rémunération : Les employés auront le droit de connaître les critères objectifs utilisés pour fixer leur rémunération et leur progression salariale.
  • Accès aux informations salariales par sexe : Tout salarié pourra demander des informations sur les niveaux de rémunération des catégories de collègues exerçant des fonctions comparables.
  • Publication des écarts salariaux : Les entreprises de plus de 100 salariés devront publier régulièrement des données sur les écarts de rémunération entre les sexes, ce qui devrait améliorer et renforcer l’index « égalité homme-femme » actuel.

2. Un index « égalité » à améliorer

L’index « égalité », instauré il y a plus de cinq ans, devait encourager les entreprises de 50 salariés ou plus à réduire les écarts salariaux. Bien qu’il ait permis de mettre en lumière certaines inégalités, son efficacité reste limitée. En mars 2024, le Haut Conseil à l’Égalité (HCE) a d’ailleurs souligné plusieurs faiblesses dans son rapport intitulé « Salaires : 5 ans après l’Index, toujours pas d’égalité ».

Le HCE critique notamment :

  • Le seuil de 5 % : L’index tolère des écarts de rémunération allant jusqu’à 5 %, ce qui peut masquer certaines inégalités.
  • L’absence de prise en compte du temps partiel : Dans les secteurs féminisés, où le temps partiel est fréquent, cette omission pénalise les femmes.
  • Les éléments de rémunération variables : L’index ne tient pas compte des primes, qui peuvent pourtant creuser les écarts salariaux.

Le HCE préconise une réforme de cet index, en ligne avec la directive « Transparence », pour le rendre plus précis et plus incitatif.

3. Quels recours lorsque vous faites face à une inégalité salariale ?

Lorsqu’un salarié soupçonne une inégalité salariale par rapport à ses collègues, il dispose de plusieurs moyens d’action :

  • Demande de preuves salariales : Si un salarié estime qu’il est victime d’une discrimination salariale, il peut saisir la justice pour réclamer la différence de salaire dans la limite d’un délai de prescription de trois ans. Toutefois, il doit présenter des « éléments de fait » (témoignages, bulletins de paie, etc.) indiquant une possible inégalité.
  • Accès aux bulletins de paie des collègues : En l’absence de preuves, le salarié peut exiger de son employeur la communication des bulletins de salaire de collègues effectuant un travail comparable, sans que l’employeur puisse invoquer le respect de la vie privée pour refuser (Cass. Soc., 8 mars 2023, n°21-12.492).

Ces outils permettent aux salariés de prendre les devants et de demander la transparence sur les rémunérations, ouvrant ainsi la voie à une négociation salariale équitable.

4. S’appuyer sur les représentants du personnel

Les représentants du personnel peuvent également agir en faveur de l’égalité salariale au sein de l’entreprise :

  • Ils peuvent interroger l’employeur sur les critères de rémunération pour s’assurer de l’équité des traitements.
  • Ils peuvent aussi négocier un plan pour l’égalité professionnelle, sur la base des informations économiques, sociales et environnementales (BDESE) fournies par l’entreprise. Bien que la mise en œuvre d’un tel plan soit facultative pour l’employeur, elle est souvent un levier efficace pour favoriser l’égalité salariale.

5. Faire appel à un avocat spécialisé

Qu’on soit employeur ou salarié, faire appel à un avocat spécialisé dans le droit du travail est souvent recommandé. L’avocat peut accompagner la mise en place de stratégies de transparence, appuyer les négociations et, au besoin, porter l’affaire en justice. Son expertise est précieuse pour analyser les données salariales et identifier des éléments concrets en cas de discrimination.

Vers plus de transparence et d’égalité salariale

La transposition de la directive « Transparence » en 2026 pourrait marquer un tournant décisif pour l’égalité salariale en France. En attendant, les outils existants offrent des moyens de se rapprocher d’une rémunération équitable. La vigilance des salariés, l’engagement des entreprises et l’intervention d’avocats experts sont autant d’éléments clés pour réduire l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes.

Par Roman Guichard

*Ecart de salaire entre hommes et femmes à temps plein